Un article de Mme B. (Enseignante, Philosophie) s’appuyant sur une copie de Yoann J. (TSTIA)
Voici un extrait du philosophe Nietzsche traitant de la la liberté :
“En contemplant une chute d’eau, nous croyons voir dans les innombrables ondulations, serpentements, brisements des vagues, liberté de la volonté et caprice ; mais tout est nécessité, chaque mouvement peut se calculer mathématiquement. Il en est de même pour les actions humaines ; on devrait pouvoir calculer d’avance chaque action, si l’on était omniscient, et de même chaque progrès de la connaissance, chaque erreur, chaque méchanceté. L’homme agissant lui-même est, il est vrai, dans l’illusion du libre arbitre ; [mais] si à un instant la roue du monde s’arrêtait et qu’il y eût là une intelligence calculatrice omnisciente pour mettre à profit cette pause, elle pourrait continuer à calculer l’avenir de chaque être jusqu’aux temps les plus éloignés et marquer chaque trace où cette roue passera désormais.”
NIETZSCHE (1844-1900), Humain, trop humain
Comment expliquer ce que veut dire l’auteur sans répéter simplement ses idées? Quelques conseils.
– Tout d’abord, commenter la manière dont l’auteur raisonne (type de raisonnement) :
On voit dès le départ que l’auteur utilise une image pour nous faire comprendre son point de vue. C’est celle de la cascade : on a l’impression que son mouvement est imprévisible, mais en réalité on pourrait le calculer. “Il en est de même” pour l’homme : ici l’auteur fait une comparaison entre notre perception de la cascade et notre perception de la liberté. Dans ces deux situations, nous avons le sentiment qu’il est impossible de prévoir, alors qu’en réalité, si nous connaissions tous les détails, nous pourrions dire à l’avance ce qui va se passer. Ce type de raisonnement se nomme une analogie : on compare deux situations pour faire comprendre une idée. Dans cet extrait, l’auteur veut faire comprendre l’idée d’illusion : on a l’illusion de l’imprévisible face à la cascade ; de même, l’homme a l’illusion d’être libre.
Par la suite, l’auteur utilise une concession : on admet une partie du point de vue adverse (“il est vrai…”) pour mieux le contredire ensuite (“mais”…). L’illusion d’être libre est naturelle, mais derrière cette apparence se cache le déterminisme de nos actions.
– Définir les notions importantes pour mieux expliquer les idées :
Ici des notions importantes comme celles d’omniscience (le fait de tout savoir, de posséder une connaissance absolue) ou de libre arbitre (la capacité à se décider indépendamment des motifs) sont fondamentales pour la compréhension de l’extrait, elles doivent donc être explicitement et clairement évoquées lorsque cela est nécessaire.
– Expliquer ce qui est implicite dans l’argumentation de l’auteur :
On peut montrer que l’auteur ne pense pas forcément pouvoir prouver son point de vue, il fait une simple hypothèse (si on était omniscient, alors on pourrait prévoir les actions humaines). Implicitement, Nietzsche admet qu’il est impossible de prouver que nous ne sommes pas libres.
– Faire un lien avec votre cours de l’année :
Au cours de l’année, vous avez dû aborder à un moment ou à un autre la question de la liberté face au déterminisme : nos actes sont-ils déterminés par des facteurs extérieurs ? Nos décisions ne sont-elles que le résultat de causes cachées, ou au contraire peut-on vraiment faire des choix librement? Dans l’extrait, l’auteur se positionne clairement pour la thèse du déterminisme et tente de réfuter l’idée que nous sommes libres : il faut le mentionner clairement pour montrer que vous reliez le texte à un problème philosophique plus général. Éventuellement, vous pouvez mettre en parallèle la position de Nietzsche avec un autre philosophe déterministe, ou opposer son point de vue à un auteur défendant le libre arbitre.
Ci-dessous, vous pouvez lire la copie d’un élève qui a cherché à appliquer ces différents conseils ; pour vous entraîner, vous pouvez chercher comment compléter cette explication (des pistes à la suite de la copie) :
Copie de Yoann J. (TSTIA)
La notion de liberté est une notion complexe étudiée depuis longtemps par les philosophes. Nietzsche, un philosophe allemand du 19ème siècle, défend sa thèse sur la liberté et le libre arbitre des hommes, qu’il considère comme une illusion, car toutes les actions humaines sont en réalité prévisibles. Nous allons donc étudier ses dires et arguments.
Tout d’abord, l’auteur compare les actions des hommes aux mouvements de l’eau dans une cascade. Selon l’opinion commune, lorsque l’on regarde l’eau couler et tomber, l’eau est, d’après les hommes, libre de ses mouvements, elle est imprévisible. L’auteur formule alors une objection et affirme que cette liberté factice n’est que le reflet illusoire de l’ignorance humaine, car l’homme ne cherche pas à comprendre l’enchaînement des causes et des effets lors de cette chute, il ne se dit pas que l’on pourrait prédire les mouvements de l’eau. Pourquoi ? Car il n’en prend pas conscience, il n’a pas les connaissances nécessaires pour essayer de calculer tout cela ; il faudrait être selon lui omniscient. Cependant, aucun être humain n’est omniscient ; c’est pourquoi l’opinion commune pense que cette eau est imprévisible, tout comme eux.
Il concède ensuite qu’un homme agit librement selon son propre jugement. Cependant, l’auteur montre que ce libre arbitre illusoire n’existe pas, car si un être doué d’omniscience existait et calculait toute action avant qu’elle ne se produise, si le temps s’arrêtait, on pourrait écrire l’histoire humaine avant son déroulement.
Le fait est que cette thèse ne se base que sur une hypothétique omniscience qui n’est pas réelle, puisque jamais observée jusqu’à aujourd’hui. Par conséquent, si l’on suit la thèse de l’auteur tout en étant réaliste, on ne saura jamais véritablement si nous sommes vraiment maîtres de nos actions, ou si tout ce que nous faisons est déterminé. Mais est-il vraiment possible de tout prévoir uniquement en le calculant ?
Des pistes pour compléter l’explication :
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